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Fonds de Tiroirs et petits carnets

22 juin 2015

Faites des pères

Les dinosaures et la petite robe

Nous sommes à l’hôpital. Moi, je n’aime pas trop les hôpitaux. Ca sent mauvais et les pyjamas sont ouverts au niveau des fesses. Et puis, ici, tout est blanc. Pas le blanc des pubs de lessive, mais un blanc triste un blanc gris. L’hôpital est pourtant tout neuf.Heureusement, Nathalie a mis une petite robe colorée. Le genre de robe que l’on fait tourner sur un tube de l’été après un verre de rosé.Nathalie n’est pas malade, même si elle tremble un peu. Moi, j’ai un peu mal au ventre, mais rien de grave. Nous sommes en bonne santé, alors qu’est-ce qu’on fait à l’hôpital ? 

A l’accueil, une dame fait remplir des papiers compliqués à Nathalie. Je n’y prête pas vraiment attention. Je suis en train de me demander si l’architecte a réclamé exprès un blanc-gris pour la décoration. Peut-être qu’il s’est fait avoir au moment de consulter les nuanciers…La dame de l’accueil s’adresse à moi. Je dois lui faire répéter deux fois pour comprendre ce qu’elle essaye de me dire : «  Monsieur, c’est vous le papa ? » Je crois que c’est la première fois de toute ma vie que l’on s’adresse à moi en utilisant dans une phrase le mot «papa». Ca sonne bizarre. Je jette un coup d’oeil à Nathalie dans sa jolie robe. Elle me sourit. Alors, je réponds à la dame de l’accueil « Oui. Oui, c’est moi le papa.»

Jamais, je n’avais encore prononcé une phrase conditionnant à un tel point le reste de ma vie.

Moi, papa ? Est-ce qu’on peut être papa quand on continue à se faire un nez de clown avec la cire rouge du Babybel ? Est-ce qu’on peut être papa quand on voue un culte aux dinosaures de Jurassic Park ? Est-ce qu’on peut être papa quand on préfère les cabanes dans les arbres aux agences immobilières ?Moi, je n’ai jamais été le papa de personne. Les papas, ce sont des adultes. Des messieurs avec une grosse voix qui savent changer une roue et faire un noeud de cravate. Peut-on être papa quand on porte une paire de Converse trouées et un T-shirt Star Wars ? Nath, elle, semble déjà réussir très bien à être une maman. Pourtant, elle porte une robe d’été et est bien trop jolie pour être un jour une adulte.

Un peu plus tard, nous sommes allés regarder la télé. C’était en noir et blanc, mais le film était vachement bien. Pourtant, on était toujours à l’hôpital et le blanc des murs n’était toujours pas celui que montrent les publicités.Une dame en blouse nous parlait. Mais je ne l’ai pas vraiment écouté. Le film était muet, mais Nath ne portait guère plus attention que moi à la dame.

Dans la télé, un petit truc avec des bras, des jambes et un coeur qui bat, bougeait comme les spationautes dans leurs vaisseaux. C’était beau. Ca donnait envie de pleurer et de rigoler en même temps.Nath a remis sa robe. La dame en blouse nous a serré la main et a glissé dedans une série de photos floues en noir et blanc.On ne sera peut-être jamais adultes, mais on va être parents.  Plus rien d’autre n’est important…

Hier j’ai même chanté le générique de Jurassic Parc au ventre de Nathalie.

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11 juillet 2013

Histoire d'eau ( ou comment j'ai failli voir la Vierge)

Bon, que les choses soient claires, je n'ai plus de blog. Les rares visiteurs ,que le hasard des moteurs de recherche font encore tomber ici par hasard, doivent avoir la même impression qu'un badaud échoué chez un bouquiniste. De la poussière sur les 4e de couverture, des prix encore inscrits en francs et des vieux journaux qui racontent au présent la vérité du passé. Bref, rien de neuf, sur la porte le carillon rouillé ne tinte plus et le vendeur s'est tiré avec la caisse.

Malgré tout, souvent, mon vieux blog me manque. à chaque fois que je passe devant mon bureau - qui ne sert plus qu'à empiler les factures et les relevés de compte- je culpabilise un peu. Dans le coin, la machine à écrire s'emmerde et les crayons de couleur ont pâli.  

Pourtant, il m'arrivé régulièrement de me dire en revenant d'un reportage, que ma rencontre mériterait bien une note de blog. J'y pense alors sérieusement, je me fais des promesses, je procrastine et puis j'abandonne.

Ce ne sont pas les rencontres avec les ministres ou les 2-3 "peoples" que j'ai l'occasion de croiser qui me donne envie de réouvrir Le Tiroir. Ceux-ci ne méritent rien de plus qu'un article de presse. vite écrit, vite lu, vite oublié et recyclée sous les épluchures. Ce qui me donne vraiment envie de me remettre à mon bureau ce sont les petites rencontres banales. Les anonymes dont on a envie de brosser le portrait sans s'enchainer à son carnet de notes, sans rechercher à tout prix la vérité ou une précision clinique. Ces gens qui ne ressemblent pas à un article de journal.

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Cette année, j'ai par exemple voyagé à Lourdes sans sortir de Bourgogne. Je préparais un dossier sur "les accros des pélerinages". J'avais demandé au diocèse de me trouver quelques habitués des Sanctuaires disposés à me raconter leur passion pour la grotte et tout le toutim. C'est comme ça que je me suis retrouvé dans le petit séjour de Charlette. " C'est le féminin de Charles" m'a t'elle expliqué. Lorsque je l'ai rencontré, la retraité se préparait à partir pour son 24e pélerinage dans les Pyrénnées. Au premier coup d'oeil jeté dans son petit appartement, je savais que j'avais trouvé une "bonne cliente" pour mon papier. Sur le bar, une statuette en plastique à l'effigie de la Vierge, sur la toile cirée le dernier numéro de Lourdes Magazine et dans la bibliothèque des chapelets et des cartes postales de la grotte. La radio est branchée en permanence sur RCF : " ils font le chapelet en direct de Lourdes." Pourtant c'est sur autre chose que mon regard se bloque. Sur une étagère Charlette a installé une étrange collection de poupées. Pas de la porcelaine, non, mais ces baigneurs effrayants dont débordent les vide-greniers du mois de mai. " C'est ma collection", raconte Charlette avec fierté. 

Le photographe du journal me propose de réaliser un portrait de ma retraitée au milieu de ses poupées. Je refuse, ça ne colle pas avec le sujet de mon article. Il se contente donc d'immortaliser Charlette avec l'un de ses chapelets au creux de la main. Sa photo est sobre, mais belle. En revanche, elle sans doute moins "vraie" que celle qu'il m'avait suggeré. Charlette sans ses baigneurs de toutes les couleurs, ce n'est plus tout à fait Charlette.

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Cette amoureuse de Lourdes se revèle très vite une femme adorable. Cette dame simple se confie sans que j'ai besoin d'insister. Spontanément, elle me raconte les 2 euros qu'elle met péniblement chaque jour de coté pour financer son pélerinage annuel. Elle parle des piscines dont elle ressort " sans être mouillée" mais à chaque fois en larmes. Elle convoque aussi son défunt mari qu'il a fallu trainer à lourdes, mais qui, au final, n'a pas cessé de pleurer pendant 4 jours. Elle me dit aussi son cancer, cette saloperie de crabe contre lequel elle a refusé de prier. Elle n'a pas voulu allumer de cierge pour demander une guérison, elle trouvait ça " égoiste". D'ailleurs, elle n'a pas eu besoin de ça pour se débarasser de la cochonnerie qui la rongeait : " ça prouve bien que c'était pas la peine d'embeter la Vierge pour si peu."

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Charlette s'interrompt, elle me propose à boire. Il fait chaud et surtout je ne veux pas vexer. Je ne ferai rien qui puisse mettre en péril la belle franchise qu'elle m'offre depuis mon arrivée. Alors que je pensais avoir dit oui à un café ou à un jus de fruit, c'est en fait avec un gros bidon d'eau qu'elle revient du frigo. " Il faut quand même que je vous fasse boire l'eau de Lourdes, j'en ramène 5 litres chaque année depuis 1985." Mal à l'aise, je tente de botter en touche pour repousser la "dégustation" : " Ah tiens, 1985 ? C'est justement mon année de naissance! " J'aurais mieux fait de m'abstenir. Charlette saisit la balle au bond : " Ah, mais dans ce cas, je vais vous chercher le bidon de l'année 1985, il m'en reste, ça ne peut que vous porter chance."

Deux minutes plus tard, mon verre est rempli d'une eau bénite de presque 28 ans d'âge : " vous verrez, même des années après, elle reste fraiche." Devant mon eau, je grimace intérieurement. Moi qui n'ose même pas toucher un glaçon au Maroc, je n'ai pas très envie de tremper mes lèvres dans cette eau croupie, même sacrée. J'imagine déja le ridicule de la nécro qui me sera consacrée : " un ex journaliste de RCF terrassé par une gorgée d'eau bénite." Le prètre chargé de célébrer ma dernière messe risque d'être un peu embeté. Mais voila, j'ai beau être le pire des hypocondriaques et le meilleur client des touristas de tout poil, je suis un garçon bien élevé. Courageusement, j'avale donc le contenu de mon verre avec la sensation de m'être lancé dans une incertaine partie de roulette russe. Alors que Charlette m'observe déglutir en souriant, je ne peux m'empécher de poser quelques questions : le choléra avait t'il déja été eradiqué en 1985 ? Combien de martyres sont morts d'empoisonnement ? Si Jésus marchait sur l'eau, n'etait ce pas pour éviter de la boire ? Pourquoi ne boit on que du vin à la messe ? Les incroyants comme moi ont ils le droit de boire de l'eau bénite ?

Alors que l'eau millésimée continue de s'écouler dans mon gosier, je repense à cette scène d'Indiana Jones et le Trésor des tmpliers ( je crois). L'archéologue porte à ses lèvres une coupe qu'il pense être le Graal. Si tel est le cas, il vivra pour l'eternité, dans le cas contraire, il sera réduit en cendres.

Mon verre est vide, l'eau n'était pas aussi fraiche que promis par Charlette, mais tous mes organes vitaux ont l'air de fonctionner. Je souris. Elle s'anime :" vous en revoulez ?" Non, plus d'un miracle par jour ce serait de la gourmandise.

Dans l'article que j'ai finalement redigé, je ne parle pas de mon expérience de l'eau bénite frelatée, je ne dis pas non plus un mot sur la collection de poupées.

Tout cela méritait bien une note de blog.

Récemment Lourdes a été inondée, l'an prochain les bidons de Charlette auront peut être un petit gout de vase. Pourtant, je crois que j'accepterai encore d'en boire.

 

8 août 2012

Empathie et patata

Ça fait longtemps que ce qui suit me trotte en tête. Une envie de raconter une rencontre qui m'a troublée. Je ne suis pas parvenu à en parler correctement. Et puis qui peut vraiment avoir envie d'entendre une histoire aussi banale ? Je me suis finalement décidé à la coucher sur le papier pour m'en débarrasser. Ce blog est mort, la note ne sera presque pas lue, mais je me sentirai plus léger.

Après des semaines à me dire " il faut que j'écrive ce truc", j'ai finalement trouvé le courage d'attraper un stylo. Devant une bière en terrasse j'ai enfin vidé mon sac. Le résultat est donc à lire en dessous.

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Où est la frontière du journalisme ?

Quand est-on devenu trop proche de son sujet ?

L'empathie réduit-elle en poussière toute volonté d'objectivité ?

Suis-je allé trop loin ?

Ai-je franchi une ligne blanche que désapprouverait la sacro-sainte commission de la carte de presse, cette paresseuse police des polices journalistiques ?

Ces questions je me les suis posées 1000 fois depuis quelques semaines.

Elle a un beau nom à particule. Mais si l'on gomme celle-ci, nous partageons à quelques lettres près le même patronyme. Elle a de grands yeux verts et un sourire désarmant. Elle a l'âge d'être ma grand-mère, mais son fils et moi sommes nés la même année. Son accent néerlandais est presque imperceptible et la marquise s'exprime dans un français élégant.

Chez elle, dans sa grand propriété en bord de Saône, la vue rendrait jaloux n'importe qui. Dans son salon, chacun des objets d'art dépasse le montant de mon salaire annuel. Madame a de l'argent, beaucoup sans doute. Elle n'en fait pas l'étalage, mais ne le cache pas non plus. On ne doit pas avoir honte de posséder de beaux objets, d'avoir acquis de fabuleuses toiles de maitre.

Je l'ai rencontrée un peu par hasard, un article banal de PQR. Elle vendait dans une prestigieuse salle des ventes parisienne l'une de ses superbes collections. Quelques questions, deux photos, la rencontre aurait pu être vite expédiée. Je suis pourtant resté presque trois heures dans son confortable fauteuil. Un peu mal à l'aise dans cet intérieur trop riche, je n'ai pourtant rien fait pour écourter la rencontre.

Madame est passionnante, a vécu plusieurs vies, a rencontré de grands musiciens, de grands acteurs.

Difficile de la faire rentrer dans le jeu de l'interview. Je l'écoute. Elle me raconte des histoires à mille lieux du sujet de mon article. Lorsque j'essaye de la remettre sur les rails en posant quelques timides questions, elle s'excuse comme une élève prise en faute, commence à me répondre, mais reprend vite ses chemins de traverses. Elle a été danseuse, infirmière, et puis elle a photographié, beaucoup. Des portraits toujours. Elle a eu dans son objectif des légendes de la musique classique, des monuments du cinéma, mais aussi les anonymes qui s'arrêtent dans ses confortables chambres d'hôte.

Je lui fais penser à quelqu'un. Mon sourire lui plait, elle aimerait ajouter mon portrait à sa collection. Gêné, je botte en touche : il est déjà tard, je dois partir, d'autres rendez vous, des articles à écrire, un chat à nourrir.

L'article parait. On m'a permis de m'étendre sur une page complète. En faisant le tri dans mes notes, je n'ai pas eu beaucoup de mal à remplir mes colonnes.

Le papier n'est en kiosque que depuis quelques heures que, déjà, mon téléphone sonne. C'est Madame. Elle est enjouée, l'article lui plait, l'évocation de son défunt mari l'a touchée. Je remercie poliment. De tels compliments font certes du bien à l'égo, mais ils ne sont pas rares lorsque l'on présente le sujet sous un jour agréable. Pas de quoi faire gonfler les chevilles dans mes Converse.

Elle me reparle aussi du portait qu'elle souhaite faire de moi : " j'ai trouvé à qui vous me faisiez penser. À Toulouse Lautrec !" De l'autre coté du téléphone je grimace, le nabot de la Belle-Epoque entouré de ses putains ne me semble pas franchement coller à la définition qu'on peut se faire d'un Apollon. La recherche Google image que je mène en simultané confirme mes craintes. " Euh il n'était pas très beau Lautrec !", proteste-je avec mollesse. "Ah mais il avait un sourire de charmeur, des yeux pétillants d'intelligence." J'accepte le compliment. "Quand aurais-je le plaisir de vous prendre en photo à la maison ?" me lance Madame. Je m'en sors avec lâcheté : " Euh là ce sont les élections, je suis pas mal occupé, on verra ça plus tard si vous le voulez bien." Je suis convaincu à ce moment que je ne la rappellerai jamais. Pas très envie, pas franchement le temps pour ça et puis la proposition continue de me faire une sensation étrange...

Quelques jours passent et à la date de la vente de la collection de Madame on me demande de lui téléphoner à nouveau pour écrire quelques lignes. Au bout du fil Madame me raconte, elle parle aussi de sa santé, de ses jambes qui la font souffrir. Elle me relance évidemment : " Et votre portrait ?". Là encore je brode sur le mode : "plus tard, pas le temps en ce moment."

Fin de l'acte 1.

Les semaines passent, un article succède à l'autre et etc. Je ne pense plus à Madame. La France se choisit un président, puis joue le rappel avec ses députés. On travaille, on court, on crie, on se marre. Et puis, le téléphone sonne. C'est elle, encore : " Et le portrait ?" " Plus tard, promis". Quelques jours, un autre coup de fil, mêmes dialogues. Encore un autre et un autre.

Un autre jour, son numéro s'affiche une nouvelle fois sur mon mobile, je ne décroche pas. Lorsque je me décide enfin à écouter ma boite vocale, je l'entends me décrire, en larmes, sa santé qui n'en fini plus de se dégrader. Elle, l'ex-danseuse de ballet se retrouve clouée dans un fauteuil. Elle aimerait me voir, me prendre en photo, me parler de l'exposition qu'on organise en son honneur. Tout cela ne se passe pas très loin de sa belle maison, mais elle n'aura pas la force de se rendre à l'inauguration.

Plus que quelques jours et je serai en vacances. Je pourrais laisser en suspens, avec tout le reste sur la pile des "To do" de mon bureau. Mais, je craque. Boite mail, nouveau message, je lui propose de lui consacrer un nouvel article, un portrait cette fois, consacré à sa carrière de photographe. Sa petite expo me servira de prétexte. Le matin, en réunion de rédaction je ne " propose" pas le sujet, mais je l'impose presque. " Elle est malade, elle a plein de choses à raconter. Je livrerai le papier avant de partir en congés." Autour de la table, ça rigole un peu : " Toi t'as envie d'être sur le testament." Je réponds d'un sourire triste. Les chefs n'ont pas dit non, le début de l'été et son actualité au ralenti laissent de la place dans les pages pour ce genre d'article sans réelle actualité.

Je retourne donc chez Madame. C'est le premier gros week-end de départ en vacances, je roule au ralenti sur l'autoroute. Derrière les caravanes, je conduis comme à reculons, la maladie, la mort me terrorisent. Je ne me sens pas les épaules de tenir le chevet d'un malade, surtout quand je ne le connais presque pas. J'arrive donc en retard, très en retard. Madame ne m'en tient pas rigueur. Cette fois, elle ne m'attend pas dans le grand salon de l'étage, mais dans une minuscule chambre qu'on lui a aménagée au rez-de-chaussée. Elle est dans son lit, un tout petit lit. Sur la chaise qui lui sert de chevet, des boites de médicaments, quelques magazines, on n'est loin des peintures de maitres qui décorent l'étage. Il y a aussi un bouquet dans un vase triste et une carafe d'eau vide. Elle me désigne une petite chaise. Mal à l'aise, je pose mes fesses au bout de l'osier qui craque un peu sous mon poids. Elle est pale, amaigrie, mais me sourit. Ma visite l'enchante. Elle engage immédiatement la conversation, ne me cache rien de son état de santé, m'interroge sur ma vie amoureuse, ma carrière, mes rêves. Elle me parle aussi de ce festival de piano dans lequel elle s'est tant investie et auquel elle ne pourra pas assister. 

Comme lors de notre première rencontre nous sommes à des kilomètres du sujet de mon article, mais je crois qu'on le sait tous les deux : cette fois mon papier n'est qu'un prétexte. Face à elle, je ne suis plus tout à fait journaliste. D'ailleurs, je n'ai pas osé enclencher mon magnétophone.

Elle me fait servir un jus de fruit et touche à peine à son verre d'eau. Et puis, lentement, elle commence à parler photographie. Je prends quelques notes, presque rien, le minimum syndical. Elle tourne les pages de son gros album de cuir rouge et, entre les vedettes et les virtuoses, me narre son histoire, ses vies. Ca n'a rien de chronologique, elle passe d'un thème à l'autre, d'une anecdote à une histoire plus personnelle sans même sembler s'en rendre compte. Mon cahier ne se noircit plus beaucoup.

Ca et là, elle me lâche un peu de matière pour mon article. J'ai cessé de regarder ma montre, le reste attendra. La scène : le lit, ma chaise, le gros album photo, pourrait renvoyer l'image d'une grand-mère et de son petit fils, mais ce n'est pas ce que je ressens. Elle  a 70 ans, mais elle est encore très belle, je me plais à l'écouter, elle aime me regarder.

À un moment, elle marque un temps, puis me demande d'ouvrir les portes de la lourde armoire à ma droite. Elle souhaite que le lui apporte son appareil photo, un gros réflex numérique que je déniche entre deux paires de draps et une serviette éponge. Je lui tends, elle me demande de l'aider. Madame est assise au bord du lit et veut se redresser pour prendre des photos. Ses jambes ne répondent plus. Avec simplicité elle vient de m'inviter à la porter. Moi, journaliste en interview, me retrouve donc à prendre les jambes nues d'une presque inconnue, à les hisser sur le lit, à fermer mes poignets sur ses chevilles pour assurer ma prise, comme un infirmier que je ne suis évidemment pas. Je suis gêné par une telle intimité, mais ému aussi de la confiance qu'elle vient de m'accorder. Sans en faire trop, sans insister sur la position de faiblesse dans laquelle la situation la condamnait elle m'a demandé simplement l'aide qu'elle aurait pu attendre d'un parent.

Et voilà qu'elle me vise. Son Nikon est braqué sur moi. Je poursuis l'interview comme si je n'avais pas remarqué qu'elle me photographiait. Péniblement, je me force à avoir l'air naturel. Evidemment, je n'y parviens pas, mon sourire est crispé. Elle en veut déjà plus : " Enlevez vos lunettes", " Remettez votre main sous votre menton." Je m'exécute, je devine mon air coincé. Je suis devenu un mannequin de La Redoute, mais j'obéis. Elle a sans conteste pris les commandes. D'observateur je deviens sujet. En quelques secondes, je viens de briser une bonne dizaine de règles fondamentales du journalisme. Je me suis laissé manger par mon sujet. Ce n'est plus une interview, c'est une séance photo et l'appareil n'est pas de mon coté.

Enfin, elle me tend le Nikon : " Regardez vous êtes beau." La configuration de la pièce et son handicap m'obligent à m'assoir à ses cotés, sur le lit. Je regarde l'écran, sur les photos qui défilent je me trouve gros, emprunté. Mon image est aussi naturelle qu'une voix sur un répondeur téléphonique. Pourtant je baragouine " Oui c'est bien, vous avez du talent."

Difficilement, je relance l'interview, j'essaye de reprendre les rennes que j'ai, de toute façon, définitivement perdues. Je repose mes questions. Elles sonnent faux dans la nouvelle ambiance qui s'est installée.

La conversation continue de progresser. On évoque son fils. Il a mon âge. Elle me parle de ce bon garçon et subitement se met à pleurer.

Comment réagir face aux sanglots d'une femme qui vous lâche " Pour lui, je dois vivre." Que dire ? Faut-il lui prendre la main, lui tapoter le dos ? Je n'ai rien fait...

Je n'ai même pas détourné les yeux. Je l'ai regardée verser ses larmes pendant une minute qui m'a paru durer une éternité. Les larmes ont séché, Madame a continué à parler. Comme si rien ne venait de se produire.

Un peu plus tard, elle s'est excusée. Madame était désolée d'avoir pleuré. J'ai essayé comme j'ai pu de dédramatiser l'événement, de lui dire qu'il était bon de pleurer, qu'on ne pleurait jamais assez, que moi aussi je versais mes larmes quand il le fallait. Je crois qu'à ce moment je n'étais plus du tout journaliste. J'ai presque entendu fondre ma carte de presse dans mon portefeuille.

J'ai finalement mis fin à l'entretien. Elle a refusé ma main tendue et a préféré m'embrasser. Docilement, j'ai tendu mes joues. Madame s'est animée : " attendez je voulais vous faire un cadeau !". Affolé, j'ai bredouillé " Non, non. Pas la peine" et je me suis enfui avant qu'elle ne me mette quoi que ce soit de couteux entre les mains.

Je n'ai néanmoins pas pu éviter de lui faire une nouvelle promesse : oui je reviendrai, oui mon amoureuse sera là elle aussi, oui nous poserons tous les deux pour elle. 

De retour à ma voiture j'ai vite tourné la clé et ai avalé la route du retour aussi rapidement que possible.

À la veille de mon départ en vacances j'ai ouvert un nouveau fichier sur mon ordinateur. Sans même consulter mes notes, j'ai rédigé d'un trait le portrait de Madame. J'ai glissé dans le logiciel la photo qu'elle m'avait laissé prendre. Elle a posé dans son lit, je me suis assuré que le cadrage serait suffisamment serré pour qu'on la croie debout.

J'ai éteint l'ordinateur. Quelques jours plus tard, l'article paraissait. Je crois qu'il est bon. Mais en réalité, cet article je m'en moque complètement.

 

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3 août 2012

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29 novembre 2011

Le vert était dans le fruit

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20 novembre 2011

Jeux sans société

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Frau Nath et Monsieur B vous conseillent Carcassonne ( encore mieux que Labyrinthe) et Jaipur ( plus varié que Docteur Maboul)

Seuls désagrements : Frau Nath gagne tout le temps ( et ça c'est agaçant) et Odessa essaye de bouffer les cartes. Sinon c'est bien.

Je profite de cette note pour dire à mes amis ( en fait j'en ai quelques uns) de m'excuser pour mes absences téléphoniques, épistolaires, et physiques.

Je suis un peu nul...

Des bisous

B.

5 octobre 2011

Avant j'avais un blog

Avant j'avais un blog.

 

Au début, je voulais faire un blog bédé comme Boulet. Alors je me suis acheté des crayons qui coutent chers et une boite d'aquarelle. Je ne savais pas dessiner, mais je faisais des dessins quand même. J'aimais bien. C'etait un peu comme quand je joue au football : je cours après le ballon sans jamais le toucher, mais je suis content de porter un maillot, des protèges tibias et de transpirer avec les copains.

Après, j'ai un peu posé le pinceau pour écrire des billets plus longs. Je voulais rédiger des trucs droles et intelligents. J'ai juste écrit des trucs droles.

Je ne savais pas conjuguer les participes passés avec le verbe avoir et je plaçais les virgules n'importe comment. Je m'en foutais.

Je me suis acheté un I-Phone pour avoir l'air cool. Très vite j'ai publié plein de photos floues pour accompagner mes bétises.

Et puis, j'ai changé de boulot.

On me proposait un chèque plus gros et des journées moins longues si j'échangeais mon micro contre un stylo. J'ai posé mon micro.

Je suis devenu journaliste de presse écrite. J'ai arreté de me lever avant les éboueurs. J'ai cessé de flipper au moindre courant d'air chatouillant mes cordes vocales. J'ai commencé à pisser de la copie, à mettre les mots des gens entre guillemets.

Le chèque était effectivement plus gros, les journées pas vraiment moins longues. Avecle chèque j'ai loué un appartement plus grand où je ne passe pas plus de temps qu'avant. Mais mon chat, je crois, est content.

Toute la journée je fais des phrases. Je ne sais toujours pas conjuguer les participes passés avec le verbe avoir, ni placer les virgules. Ca commence à poser problème.

A force d'ecrire pour dire des choses, je n'ai plus pris de plaisir à écrire pour ne rien dire. mon blog est mort.

Avant, j'avais un blog. Maintenant je dessine des Monsieur-B dans la marge des communiqués de presse.

Delfine et aAlex, lors de leur année au Japon n'ont pas arrété de bloguer.

Emilie a ouvert son blog " femme d'écolo"

David continue ses chroniques entre deux confessions

Fred écrit des livres, un blog et fait des bébés.

Samy a raconté son tour du monde sur le Net

Cécile met en ligne des photos d'oiseaux.

Juppé a toujours un blog.

 

J'ai regardé Bref sur Canal Plus. Et puis, j'ai lu le blog du mec qui écrit Bref pour Canal Plus. Je me suis mis à ecrire des phrases courtes.

J'ai eu envie de refaire un blog, un peu.

Je ne promets rien.

B.

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27 mai 2010

6 semaines en 10 minutes

Bon, si on donnait un peu à manger à ce blog ?

Voila presque deux mois que j'ai preté ma plume à la presse écrite et, avouons le, accaparé par ce nouveau métier à apprendre j'ai un peu négligé mon Tiroir.

Je compte aujourd'hui vider mes poches de la manière la plus anarchique, anti-chronologique et absurde qui soit. J'ai des photos, des phrases, des notes et quelques confidences qui commencent à moisir au fond de mes poches.

Je travaille donc pour un journal : un truc en papier avec de l'encre dessus. On le vend entre les paquets de cigarettes et les tickets à gratter.

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La première chose qui frappe lorsque l'on vient d'une radio asso, c'est le confort des conditions de travail. Ce nouvel endroit peut etre chauffé, climatisé, nettoyé et il arrive même que l'on rénove la façade.

Autre avantage de la presse écrite. Elle peut tenir chaud aux animaux de compagnies. La radio en est incapable.

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Les mêmes animaux de compagnie apprécient par contre fort peu le nouvel emploi du temps. Allez expliquer à un chat habitué à etre nourri à 5h30 du matin, qu'il faudra désormais attendre 3h de plus pour se remplir le ventre...

Ah et puis dans un journal, autre truc étrange, il y a PLUSIEURS journalistes. On peut avoir des conversations de journalistes, faire des blagues de journalistes et comparer nos cartes de presse. Par contre ça interdit de chanter nu dans son bureau du Donna Summer.

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Ah par contre des fois des portes se bloquent et c'est embetant. Le chef doit s'improviser serrurier.

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Tiens à present quelques phrases qui trainent dans mes carnets :

" Almaric me dégoute depuis que je l'ai vu dans "le scaphandre et le papillon" Petite Soeur apprenant le palmares de Cannes 2009.

" Monsieur, votre un chat est un être humain comme tout le monde, il doit payer son billet". Un controleur dans le Lyon-Mâcon de 13h22.

" C'est marrant quand tu laisses, un message sur un répondeur tu prends ta voix de radio" TOUS mes nouveaux collègues.

" Tu ne t'ai jamais demandé si tu n'es pas amoureux de ton psy ?" Elisa collegue-sans-email.

Ah et j'ai aussi découvert la joie des " faits-Divers". chaque jour un journaliste de l'équipe se retrouve enchainé au " télephone de permanence". Jour et nuit il ne faut pas quitter l'appareil des yeux. Lorsque Moby commence à chanter, c'est le signal, il se passe quelquechose. Il faut alors sauter dans un caleçon propre et démarrer au quart de tour pour rejoindre les pompiers. ( qui évidemment auront déja eteint le feu, quand enfin vous arriverez essouflé, kodak autour du cou".

La première fois que l'on m'a appellé ça a été une catastrophe. Au moment où je garais ma voiture pres de " l'evenement" les pompiers se sont alors mis à me faire de grand geste. je sors alors ravi de ma Clio, j'ignorais qu'un tel accueil était reservé à la presse locale.

Et c'est à ce moment que je me rends compte qu'ils m'insultent. J'ai garé ma voiture pile sur le tuyau de la lance incendie, bloquant ainsi toute arrivée d'eau vers l'appartement en train de bruler.

Je crois que l'on peut légitimement parler de " baptême du feu"

Dans la catégorie "boulettes", je pourrais également évoquer mes maladroits coups de fils aux gendarmes/policiers/gendarmes, lorsque je viens " gentiment au nouvelles" pour savoir si'il y a " qqch à se mettre sous la dent".

Lorsqu'ils m'annoncent : une defenestration, un accident, un incendie, une noyade, mes réactions sont parfois un rien déplacés :" Génial! ".

La dernière fois apres m'avoir entendu prononcer " Donc, je résume, 85 ans, blessure au crane, et hospitalisé c'est bien ça ? [...] " Génial ! Bonne Soirée, Merci !"; la secrétaire m'a jeté un regard lourd de sous-entendus.

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Photo prise hier à Lyon dans le 1er arrondissement. Au coeur des 3 patés de maison où je me sens sans doute le plus chez moi. J'aime quand la rue me parle.

D'ailleurs, à une centaine de mètre de là se cache l'un de mes petits pechés mignon. Depuis longtemps déja j'adore m'installer sur l'un des bancs du jardin du Musée des Beaux Arts avec un bouquin et y passer l'apres midi. A quelques pas de la place des Terraux le calme y est total, l'ambiance delicieuse.

On y croise souvent de jolies étudiantes en arts plastique.

Mais Bizarrement hier, je me suis rendu compte que la fréquentation des lieux avait quelque peu changés depuis mes années étudiantes :

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Dans ce même jardin, alors que je m'allumais une ciga rette ( rigoureusement interdite en ces lieux) le ciel s'est soudain faché. Le vent s'est levé au meme moment que les jupes de mes voisines de bancs et il s'est mis à pleuvoir des gouttes aussi grosses que mes deux poingts.

J'ai alors utilisé mon " super pouvoir", celui que je cache dans mon portefeuille entre ma carte bleue et ma Vitale biométrique.

Ma carte de presse ! Grace à ce sésame magique, je ne paye plus l'entrée au musée depuis plusieurs années déja. La carte a donc été fièrement dégainé au guichet du musée et j'ai empoche mon ticket offert. Sans doute la plus jolie et la moins onéreuse des façons de laisser passer la pluie.

Le soir même on me fera remarqué que rien ne m'obligeait à utiliser mon " super pouvoir", l'entrée des musées étant offertes à tous les jeunes de moins de 25 ans ( de l'étudiant au maçon en passant par le journaliste prétentieux").

Quoi qu'il en soit, j'ai pris beaucoup de plaisir à promener mes baskets sur les parquets d'un musée presque vide.

Je suis allé directement vers mes oeuvres préferés, apres avoir pris soigneusement m'en soin de me boucher les oreilles avec les écouteurs de mon I Phone. La musique anglo-saxonne a tres haut volume offre une vision completement neuve des chefs d'oeuvres de la peinture. Ce jour là j'avais choisit RadioHead. Thom Yorke et ses chants planants ont transportés Braque et Picasso dans des sphères totalement inédites.

Une autre musique aurait pu faire l'affaire, l'essentiel étant simplement que les paroles soient chantées dans une langue que vous ne comprenez pas. Les morceaux ne doivent non plus pas être trop connus ( évitez les Best-of ) , le visiteur devant totalement oublier la musique pour se laisser promener dans la bande-son de sa propre vie

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L'une des joies sans cesse renouvellé de mon nouveau métier est : le titre. J'adore trouver LE bon jeu de mot pour un article.

Avec ma collègues Elisa nous sommes tres fiers de deux de nos trouvailles

- Pour un article sur le zoo du coin qui inaugure un espace reservé à ses tapirs :" Un nouvel endroit où se tapir" ( On avait aussi pensé à " Les pieds dans le tapir", mais ça ne voulait rien dire..)

- Pour un papier sur l'installation de la fête foraine : " Le Manège en chantier"

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Tribunal : Chaque semaine, le mercredi, l'un d'entre nous est " de tribunal". Il assiste aux audiences du tribunal de Grande Instance et en ramène les histoires dignes d'interet.

Je redoutais ce moment. Quand ce fut finalement mon tour, j'y ai pris un plaisir incroyable.

Derrière mon petit bureau, sous le nez du président et de ses assesseurs, je prenais des notes sur les affaires en cours, caché derrière mon écran d'ordinateur. Je pensais m'ennuyer, 'jai en fait été le témoin d'un incroyable " petit théatre de la vie". 

A quelques metres des voyous, des escrocs, des petites frappes, des amateurs d'images pédophiles des chauffeurs alcooliques et des proxénètes, je me suis régalé. chaque affaire était une histoire qui aurait mérité 20 pages dans n'importe quel journal. Je me suis passionné pour les explications des accusés " j'ai rien à voir avec cette histoire votre honneur", et pour les phrases assassines du président " pour réussir sa vie amoureuse, mieux vaut offrir des fleurs que regarder des viols d'enfants sur internet"...

à un moment un jeune homme vient me me voir avec sa mère. Il est à peine majeur, les yeux rouges d'avoir beaucoup pleuré. Pour une bétise de jeune con, il vient de prendre quelques années de prison avec sursis. le tribunal l'a sermonné comme un écolier. Il a dit " je ne le ferai plus"

Il est venu me dire " Excusez moi monsieur, vous pourriez ne pas mettre mon nom dans l'article, parceque pour trouver du travail tout ça..."

Il m'a ému, je me suis rendu compte du pouvoir des quelques lignes que je pouvais ecrire dans la vie réelle d'un jeune garçon aux yeux rouges. J'ai essayé de le rassurer " je ne parlerai pas de votre affaire, ne vous inquiétez pas je ne comptais pas l'evoquer de toutes façon". Et je n'ai pas pu m'empecher de rajouter " Bon courage..."

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Tiens à present, je vais m'essayer à une petite confession. n'ayant plus de curés à porté de main, je ne sais plus à qui avouer l'inavouable.

Ca me fait mal de le dire mais voila : L'autre jour j'ai lu un bouquin d'Anna Gavalda et j'ai aimé. L'autre j'ai regardé pour la 25ème fois 4 Mariages et 1 enterrement et j'ai adoré. L'autre jour j'ai regardé une grosse connerie sur TF1.fr et j'ai rigolé. Et l'autre jour j'ai lu la Bédé publiée dans les dernières pages du journal et j'ai ( un peu pouffé)

Et dire que j'esssaye de passer pour un intello : Je déclame partout que mon réalisateur preferé est Woody Allen alors que j'ai pas vu la moitié de ses films. je n'ai jamais fini Voyage au Bout de la Nuit, ce qui ne m'empeche pas d'en parler. Je n'ai jamais lu Ulllyse de Joyce, j'ai pourtant plusieurs fois donné mon avis à son sujet. Je crie partout que Boris Vian est mon auteur préféré mais j'ai trouvé la moitié de sa production complètement illisible.

Je suis un escroc qui accroche des poster de Bob Dylan mais qui telecharge du Lady Gaga sur son Iphone.

Je parle de France Inter à longueur de journée, mais c'est avec Europe 1 que je me reveille et des fois sur l'autoroute j'écoute rires et chansons.

J'ai 2 photos de Simone de Beauvoir au dessus de mon bureau. Je n'ai pourtant jamais lu le 2ème sexe. Le journal de Bridget Jones, si.

J'ai honte.

Mais bon par contre, je n'ai jamais aimé Télérama, ce programme télé prétentieux. je ne brulerai peut etre pas en enfer.

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Ah et puis vu qu'on est en train de se faire des aveux génants, je dois parler ici de mon article sur le " Air Soft" ( comme du paintball avec des pistolets qui tirent des billes de plastique)

J'ai suivi une équipe de passionnés dans une série de parties.

J'ai entendu

- " Notre géneration n'a pas la chance d'avoir connu le service militaire"

- " j'aime les armes, ça me défoule de tuer mes potes"

- " c'est comme jouer aux cowboys et aux indiens, mais avec un M16"

- " C'est facile tu le recharges comme un vrai (!) "

J'aurais du etre consterné. Mais je dois avouer que j'ai adoré jouer aux soldats avec ces types en treillis.

Il s'en est fallu de peu pour que je ne devienne un bon gros geek

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Toujours dans la série " j'ai testé pour vous", j'ai aussi fait un reportage sur une rando-roller de 12km.

j'en ai chié comme un malade. Mon paquet de clope quotidien m'a cloué au sol. 

J'ai aussi découvert qu'il était compliqué de faire du roller et de prendre des photos en même temps ( voir plus haut)

j'aurais pu arreter bien avant la fin de la balade, j"avais largement de quoi écrire mon papier, mais je ne pouvais pas abandonner alors que devant des gamins de 8ans et un papi de 75 ans roulait sans difficulté.

J'ai survécu. Qu'est ce qu'il ne faut pas faire pour gagner sa vie...

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Dans un genre complétement différent j'ai aussi couvert ma première occupation d'usine avec sequestration de patron.

Ca semble fun comme ça, mais la réalité c'est surtout 3 jours à poireauter devant l'usine avec un photographe en face de l'usine. 3 jours à bouffer du Macdo froid avec le collègue de l'AFP. 3 jours à boire des bières chaudes.

j'ai pourtant adoré vivre ça.

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Autre découverte : illustrer un article.

Je découvre l'image. Je découvre aussi comment se creuser la tète pour faire une photo pour illustrer :" les apéros facebook", "la fête foraine continue" ou " Solutré sans Mitterrand"

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Des fois c'est plus facile et plus amusant : comme un reportage photo sur des grosses moto qui font du bruit

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A bientot, pour de nouvelles aventures de Tintin reporter de papier

B.

ps : je ne relis pas, ça ressemblerait trop à du travail.

12 avril 2010

" Comment vous l'écrivez ?"

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Cette semaine je me suis rendu compte d'un truc assez paradoxal, pour un type qui tient un blog depuis 4 ans : Je n'aime pas parler de moi. Si,si. J'ai horreur de ça. Quand il faut le faire, je suis mal à l'aise, j'essaye d'aller au plus vite de botter en touche avec une question.

Depuis une poignée de jours, tout le monde vient vers moi en me demandant " Alors ? Raconte ! ". Je ne sais pas faire, je ne suis pas un bon Orateur. Hier j'ai vue mon amie Nathalie, elle est capable de tenir le crachoir pendant des heures, d'être intéressante, drole et émouvante. Je n'ai pas ce talent.

Par contre, j'aime bien me servir de ce Tiroir, pour flatter mon égocentrisme furieux.

C'est donc ici, un chat sur les genoux, un thé à la main et sans regard à soutenir, que je vais raconter les premiers kilometres de mon petit virage professionnel.

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J'ai donc signé pour quelques mois au Journal de Saone et Loire ( Mais on dit juste " Le Journal). Mon premier coup de fil a été pour le service technique. J'utilise pour le moment la boite mail de la future jeune maman que je remplace et l'idée de redevoir du courrier au nom de " Laure-Hélène" chatouille un peu ma virilité. Je demande donc à l'information au bout du fil de me créer une adresse mail. Sa réponse est sans appel " On a pas l'habitude de faire ça pour ceux qui ne vont pas rester".

Un peu plus tard, la même journée je passe recuperer quelques dossiers à la radio, désormais mon ex-employeur. Sur la porte de ce qui était encore mon bureau il y a peine 3 jours, toute trace de mon passage a été effacée. Disparus les articles débiles et les photomatons scotchés sur la porte. Disparus aussi la pancarte à mon nom. Page tournée...

C'est donc un peu orphelin que je fais prépare un dernier café dans la machine de RCF. Café que je demande l'autorisation de boire à mon ex-chef. Que j'appelle toujours "Chef". Elle me fait d'ailleurs remarquer que plus rien ne justifie ce terme lorsque je m'adresse à elle. je lui explique donc que mon nouveau Chef refuse, qu'on l'appelle ainsi ( je dois m'en tenir à " Fifi") et que de toutes façons elle restera ad vitam eternam La Chef ( au moins sur le blog en tous cas).

En rentrant chez moi, je trouverai une lettre qui encore une fois me rappellera mon changement de cremerie. Le sénateur B. m'a écrit à mon domicile sur un Bristol à en-tete, me souhaitant " de belles aventures professionnelles sous d'autres cieux que RCF".

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Depuis presque une semaine, j'apprends donc un nouveau métier. 

Premier handicap ( première angoisse aussi) l'Image. Quand on travaille dans la presse locale on doit prendre des photos. je n'aime pas ça. Ou plutôt, je ne sais pas faire. Ma première prise de vue s'est d'ailleurs révélée être un joli fiasco. J'avais oublié une donnée évidente : le soleil. Contre-jour est un mot qui ne faisait pas tellement parti de mon vocabulaire à la radio.

La première photo, de mon premier article s'est donc révélée sur l'écran sévèrement "cramée" ( surexposée). Premier jour de boulot et premier faux pas.

Et puis il y a la technique. Ce logiciel qui sert à écrire et monter nos pages. je me suis arraché les cheveux plusieurs jours. La logique de l'outil est la mienne avait beaucoup de mal se superposer. En fin de semaine alors que je commençais enfin à un peu " dompter" la machine, un collègue m'annonce " Ah tu savais qu'on change de logiciel dans 2 semaines ?"

Il y a aussi un truc curieux dans le journalisme de presse écrite. Le lecteur. J'ai découvert presque avec surprise que ce j'écrivais était lu !

L'agence du journal est installée sur les quais de Saône. Le matin en arrivant à 9h ( une grasse mat' pour moi ) je longe les bistrots. Chaque jour, j'aperçois une dizaine de personne en terrasse, le nez penché sur mon travail. Une tache de café sur ma signature. J'aime ça, vraiment.

Cette semaine, j'ai couvert intégralement un tournoi de football pour handicapés mentaux. Le Journal était partenaire de l'évenement. Chaque matin, l'édition du jour était donc proposée gratuitement à toutes les personnes présentes sur place. Et je l'avoue c'est avec bonheur, que je les regardais lire mes articles. Je parlais d'eux. Ils appréciaient, moi aussi.

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Ah et puis, je dois aussi réapprendre à me servir de mon carnet à spirales. On ne prend pas des notes de la même façon lorsqu'on travaille en radio ou dans la presse écrite.

Il y a encore une semaine, je notais peu de choses. Juste quelques chiffres, quelques grandes idées. En fait, pendant les conférences de presse, j'écrivais principalement des ébauches de questions. Celles que je poserai apres, micro tendu.

Je dois désormais travailler sans micro. Pour faire entendre ceux qui me parlent, je dois me contenter d'une paire de guillemets et de l'italique. Pour être précis dans la retranscription, il faut donc laisser courir le crayon en permanence. Chaque soir, je me couche avec une douleur, jusqu'à présent inconnue. J'ai mal au poignet.

Autre Détail, mais qui a son importance : L'orthographe. Je ne peux plus me permettre de relayer phonétiquement le nom des mes interlocuteurs. " Comment vous l'ecrivez ?" est devenue l'une de mes phrases préférées depuis quelques jours.

Je passe aussi sur ces reflexes qu'il va falloir gommer : Décrocher le téléphone à l'agence et répondre " RCF Bonjour !", notamment.

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La photo ci-dessus est à l'origine de ma première grande émotion en Presse écrite.

Je suivais donc toute la semaine pour Le Journal, ce tournoi de football réservés aux jeunes handicapés. Pendant un match, j'ai discuté avec deux éducateurs venus du Val d'Oise. Ils commentaient avec le sourire la branlée qu'étaient en train de ramasser leurs poulains sur le terrain. " C'est normal, nous on a des trisomiques et pas eux". Je préparais une pleine page pour le lendemain. J'ai donc pris une photo de leur gardien de but, tout sourire malgré 10 buts encaissés en 7minutes.

Dimanche matin sa photo était publiée dans le journal. Les deux éducateurs du Val D'oise étaient cités dans l'article.

Le même jour je me suis rendu une dernière fois sur le lieu de la compétition. On remettait les médailles. A mon arrivée, le jeune homme sur la photo, est venu me serrer dans ses bras et me dire " Merci". Tout ses coéquipiers sont venus l'imiter.

Les deux éducateurs d'ajouter " si vous saviez le plaisir que vous leur avez fait".

Il aura fallu 6 jours pour que je verse ma première larme de presse écrite.

 

5 avril 2010

This is the end

 

" This is the end". Voila que quelques jours que la chanson des Doors me tourne dans la tete. Et comme je ne connais que les deux premières phrases, je me suis vite mis à tourner en rond.

Vendredi pour excorciser le tout, j'ai même téléchargé le morceau sur mon téléphone. Ca n'a pas servi à grand chose. Je ne connais toujours que les deux premières phrases et la chanson n'est pas sortie de ma tête.

Je commence à ranger un peu mon bureau et Jim Morisson ne décolle pas de mon épaule.

Henry passe la tête par la porte : " Je suis bien content que tu partes, au moins ton bureau sera enfin rangé".

Aujourd'hui était mon dernier jour à la radio. Recemment, presque hier, je signais ma lettre de démission. Ce matin je presentais mes dernières matinales.

Des jours comme ça, tout ressemble à un symbole : Le réveil qui ne sonne pas vraiment, les clés de voitures introuvables. Et puis ce matin là mon PC refuse de démarrer. L'imprimante ne veut pas fonctionner et je suis enroué.

Toute action prend une ampleur bien differente quand on la réalise pour la dernière. Derniere cafetière : ni trop leger, ni trop serré. Dernière météo. De la pluie...

La veille j'avais redigé un petit mail pour avertir tous mes contacts de mon départ. la date était mal choisie, la moitié d'entre eux ont cru à un poisson d'avril.*

Il a fallu expliquer à l'autre moitié que " Non je n'ai pas été viré, je suis parti de mon plein gré" .

Tous les départs sont forcement clichés, ils vous disent " bonne chance" on répond " merci". Et puis on trouve une caisse et on y dépose ses effets personnels. Tou s ces trucs absurdes empilés sur le bureau au fil des années.

Dans ma caisse tout un poème de Prévert :  Un Thermos Starbucks, un Guide pour les adultes qui s'ennuient au bureau, une K7 audio d' Hellène ( sans les garçons), mon carnet de santé, un Mug Bob L'éponge, un chauffe-tasse USB, une pile de bouquins reçus en service de presse, un agenda, un clap de cinéma, un Stylo géant,  quelques Polaroids et un tube d'aspirine.

Me voyant débarrasser mon 10m2, la Chef m'a confié " Encore plus que ton épée, c'est ton vieux poncho péruvien pourri qui va le plus me manquer".

Depuis mes débuts à la radio, il prend la poussière sur la radiateur. j'ai du le mettre sur mon dos 2 , 3 fois les jours de grand froid.

Comme l'épée, je n'ai pas pu me résoudre à les ranger tout de suite dans la caisse.

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Finalement 5 ans ce n'est pas tellement encombrant. 


C'est drole de quitter une radio chrétienne un vendredi saint. Sur l'antenne, il n'est question que de la mort d'un barbu punaisé il y a 2000ans. Moi je ne pense qu'a à une autre fin, celle de mon aventure radio.

J'avais d'abord pensé que mon dernier journal serait une belle occasion de marquer le gout, de dire des betises, de finir dans un feu d'artifice sonore.

Et puis, je n'ai pas trouvé la force. Comme un jour ordinaire, j'ai parlé de politique, d'agriculture, d'expos locales et de solidarités.

Pour l'occasion j'avais simplement bidouillé une petite bafouille; Je faisais une référence brumeuse à la dernière intervention télé de Mitterrand  " je croix aux forces de l'esprit et je ne vous quitterai pas".  Finalement mon petit discours est resté sur mon bureau. D'ailleurs il n'y avait déja plus que ça sur mon bureau.

Je suis entré en studio épée en main, comme un petit garçon. J'ai présenté mon journal d'une voix neutre. Sans doute un poil plus lentement que d'ordinaire. je n'ai pas laché l'épée.

This is the end.

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Et à l'heure de la Météo, la chef est entrée dans le studio comme un vulgaire intermittent du spectacle. Elle a sorti de sa pocher un papier et  a bien manqué de me faire pleurer. Mais même pas peur j'ai une épée. Voici son petit message livré ici in extenso.

 

Benoit,

 

je viens vous saluer et vous remercier pour tout le travail accompli au cours de ces quelques cinq années, vous remercier au nom de toute la radio.

« Au nom de tous »… Ah ! justement, à propos de nom…

Il n’est pas trop tard, MONTAGGIARI, pour redire à vos auditeurs que vous avez eu du mérite à faire de la radio avec un patronyme aussi peu identifié par vos contacts.

Bon, ça nous arrive à tous : ce ne sont ni « l’abbé » MECHIN, ni Alexis « VIET » ni cette Muriel « ROBIN », à qui une partie du courrier de la  radio est adressé, qui me contrediront.

Mais il faut quand même dire que vous avez la palme !

Enfin….

Aujourd’hui, je voudrais souligner, MONTAD’JERI que votre rythme intense de travail n’empêchait pas humour, blagues et facéties.

Chapeau aussi pour votre sens du croquis, (Benoit MODIGLIANI), cet art de condenser en quelques traits l’essentiel du sujet observé, et qui est un atout pour un journaliste.

Et si on connaît votre œil vif, votre sensibilité presque féminine n’a pas non plus échappé à la personne qui cherchait récemment à joindre Benoit MAGALI.

 

Quant à nous, vos collègues, nous savons comment vous pouvez faire d’un banal bureau le décor dévasté d’un après-cambriolage. Et pourtant, nous avons comme un pincement au cœur, Benoit SPAGGIARI, à l’idée que les micros ne traîneront plus dans le café, que nous ne marcherons plus sur vos feuilles de paie, que partira avec vous cette sorte de serpillière andine qui ne tient plus chaud qu’au radiateur et aussi votre épée en bois ; que les clés ne disparaîtront plus sous des amas de journaux, et que nous retrouverons  tous les stylos de la radio.

Mais, comme il est par ailleurs, – et  très approximativement évalué  à 12, le nombre de personnes à ce jour encore persuadées que vous vous prénommez « Bruno », nous comprenons bien qu’il est temps pour vous de rejoindre la presse écrite, afin que votre signature soit reconnue plus largement.

 

Bon vent, MONTA ! et surtout …régale-toi bien ! 


Merci Chef et merci aussi pour ce " On va avoir du mal à trouver un autre juke box humain avec un tel niveau de culture pourri..."


Apres la météo, une bouteille de blanc a été debouchée. On a meme trouvé quelques gateaux apéros au fond d'un tiroir. 

Au milieu des casques, des micros et entourés de boites d'oeufs ( pour 'l'isolation sonore) j'ai eclusé le dernier d'une longue série de verres sous l'ombre de " la radio dans l'ame"

J'ai eu du mal à partir... j'ai trainassé dans les couloirs de la radio, passé 3 coups d'éponges sur le bureau. J'ai rangé l'epée dans la caisse, le poncho pourri aussi. 

Mine de rien cette barraque deglinguée, ces micros mal reglés, ces chaises bancales et ces radiateurs bouchés c'est un peu chez moi. Le bougon barbu, le jeune mal reveillé, la dame du fond sont aussi ma famille. 

Comme un judas armé d'une épée en bois, je trahis ma famille un vendredi saint.

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Demain je rejoindrai la rédaction du journal local pour quelques moi. J'ai acheté un carnet, deux beaux crayons qui glissent et l'appareil photo preté par le journal est en charge.
J'ai aussi repoussé la sonnerie de mon reveil de deux bonnes heures.
Il va falloir apprendre à écrire, penser à l'image. Il va falloir oublier le micro...
Mais je ne sais toujours pas où je vais ranger mon épée...
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B.

 

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